Le luxe va-t-il devoir troquer ses escarpins pour des bottes de pluie ? Le secteur, habitué aux sommets cotonneux de la croissance, traverse une zone de turbulences où les rafales s’appellent « conjoncture mondiale », « baisse du tourisme » et, plus récemment, « droits de douane à 15 % ». Direction : les États-Unis. Destination prisée, mais désormais taxée.
La mode aurait préféré un parfum d’accord plus léger. Mais il y a quelques jours, Washington et Bruxelles ont accouché d’un compromis fiscal un peu rugueux. Résultat : les produits européens de luxe exportés vers les États-Unis se verront affublés d’un joli supplément douanier. On murmure que cela aurait pu être pire (Donald Trump évoquait un redoutable 30 %), mais la pilule reste brodée d’or.
Bernard Arnault, patron de LVMH, n’a pas sorti son foulard en soie pour enrober la nouvelle :
Nous affrontons des vents de face.
Traduction : ventes en baisse de 4 %, bénéfice net en chute libre de 22 % (soit tout de même 5,7 milliards d’euros) et touristes internationaux peu enclins à faire du shopping avenue Montaigne. Le rêve doré a un petit goût amer.
Des sacs, des taxes et des équations
Sur le marché américain — qui représente un quart de ses ventes — LVMH joue la carte du made in USA : un quatrième atelier Louis Vuitton poussera bientôt dans les plaines texanes, aux côtés des trois déjà existants. De quoi contourner (partiellement) la note salée des douanes.
Kering, de son côté, préfère l’arithmétique à la relocalisation. Les 15 % de droits de douane ? « Gérables », assure la directrice financière Armelle Poulou. L’idée : rehausser les prix de certaines marques. Pas question de vendre moins, juste de vendre plus… cher.
Hermès, fidèle à sa stratégie de l’élégance tranquille, attend de voir. Son PDG Axel Dumas n’est pas prêt à monter sur le ring sans connaître les règles précises. Pour l’instant, son carré de soie flotte au vent : les ventes progressent, même en zone « Amériques » (+6,3 %), et le premier semestre affiche une santé robuste (+7,1 %). Une rareté dans ce climat.
Pas de Gucci à Dallas, merci
Chez Kering, François-Henri Pinault joue la carte identitaire. Produire aux États-Unis ? Très peu pour lui.
On vend de la culture française, de la culture italienne
dit-il.
Traduire Gucci en texan ne fait pas partie du programme.
Même son de cloche à Londres, où Burberry garde son trench bien fermé. La marque, peu concernée par les 15 %, a négocié un tarif de 10 % via le Royaume-Uni. Son moral est aussi sec que ses parkas : +4 % de ventes dans la région « Amériques ».
Et pendant ce temps, UBS sort la calculette
La banque suisse UBS, en bon observateur, avertit : les droits de douane, ce n’est pas seulement une affaire de centimes par sac à main. Cela pourrait saper la confiance globale dans le luxe, notamment en Chine (premier marché mondial) et aux États-Unis. Et surtout, cela pourrait inciter les clients américains à faire leurs emplettes à l’étranger, là où les prix sont plus doux — TVA remboursée, dollar faible et étiquette plus souriante.
Un marché qui reste attaché aux étiquettes… mais pas aux frontières
Entre fiscalité transatlantique, volatilité monétaire et stratégie de charme, le luxe avance en équilibre sur des stilettos de plus en plus fins. Pour un secteur habitué aux envolées lyriques des bilans financiers, le nouveau refrain est plus prosaïque : il va falloir s’adapter, ajuster, contourner — sans jamais froisser la soie.





