Reflet d’une époque à la mode instable, la sneaker s’est émancipée des diktats esthétiques. Exit le minimalisme, place à la brillance : l’argent s’impose comme la nouvelle norme, entre nostalgie vintage et performance futuriste.
Longtemps soumises à des règles aussi strictes qu’un arbitre de Roland-Garros face à une faute de style, les sneakers ont dû répondre à des injonctions parfois absurdes : elles devaient être blanches, minimalistes, parfois sportives ou techniques, parfois bicolores selon la tendance blockecore. Dans ce chaos normatif, la basket semblait condamnée à effacer son identité.
Mais voilà qu’un changement s’opère. Comme passée par la case introspection, la sneaker assume enfin sa nature hybride, son ADN technique, sa fonction performative. Mieux : elle la sublime. Et elle le fait en argenté.
En 2020, chez Adidas à Herzogenaurach, une décision va tout changer : inviter la créatrice britannique Grace Wales Bonner à collaborer sur la ligne Originals. Sa première collection, pensée comme un prologue, deviendra la base d’un phénomène. Trois ans plus tard, la Samba Silver s’arrache. Icône instantanée, elle érige la basket métallisée en trophée contemporain. Depuis, la tendance est irrésistible : Rihanna et ses Fenty x Puma Avanti Stitched, Alohas, Chanel, tous y vont de leur déclinaison argentée.
Pourquoi cet engouement ? Parce que l’argent n’est ni tape-à-l’œil comme l’or, ni discret comme le blanc. Il est à la fois technique et précieux. Il renvoie aux carrosseries chromées, aux couverts haut de gamme, à l’univers sportif aussi bien qu’à celui du luxe. Et surtout, il va avec tout — ce qui, à l’ère du chaos vestimentaire revendiqué, est une bénédiction.
Les modèles brillants se multiplient : ballerines chromées chez Puma sous l’égide de Dua Lipa, surfaces miroir chez Alohas, effets craquelés chez Balenciaga. La règle tacite : bannir les paillettes et les effets mats. Seul le vrai métal a droit de cité.
Des silhouettes puissantes comme la Dior Chrono ou la Nike Air Max Muse aux modèles agiles façon crampons vintage chez Dries Van Noten ou Adidas, le mot d’ordre est simple : si argent il y a, qu’il couvre tout. C’est là que la basket silver atteint son plein potentiel. Elle est le reflet brillant d’un monde qui refuse de choisir entre passé et futur, performance et apparat, norme et excentricité.
