Au cœur du dispositif spectaculaire des défilés de mode, il est un métier aussi discret que décisif : celui de scénographe. Parmi ces artisans de l’ombre qui transforment l’intention d’un créateur en expérience sensorielle, Laura Lavergne s’impose comme l’une des figures montantes de la discipline.
Formée à l’Institut Français de la Mode, la jeune Alsacienne a troqué ses premières ambitions d’ébénisterie pour l’élaboration de décors à grande échelle. Un glissement naturel, porté par le même amour des matières, des volumes, et une sensibilité marquée pour les objets porteurs d’histoires. Chez Villa Eugénie, elle conçoit aujourd’hui les décors de maisons prestigieuses, de Ferragamo à Dries Van Noten, en passant par les productions audacieuses de Moncler Genius. À chaque saison, elle participe à l’écriture d’une narration visuelle, capable d’incarner, l’espace d’un instant, l’univers d’une collection.
La scénographie de défilé n’obéit à aucun canevas. Elle se réinvente à chaque projet, selon les desiderata du directeur artistique de la marque. Tout commence par un brief, parfois minimaliste, parfois foisonnant, mais toujours porteur d’une intention. À partir de là, les équipes entament une période de recherche iconographique et conceptuelle intense. Livres, expositions, films expérimentaux, souvenirs de voyage : tout devient matière première. Chaque scénographe mobilise son propre système de références pour alimenter une vision collective.
Au sein de l’agence, la création se construit de manière collégiale. L’ego ne trouve pas sa place dans un processus où seule l’idée la plus forte subsiste. Une fois les pistes créatives dégagées, une première proposition visuelle est élaborée, discutée, ajustée. Entre la marque, la direction artistique et les scénographes, le dialogue est constant. L’objectif : concevoir un espace qui serve la collection, la mette en lumière sans jamais l’éclipser.
Mais au-delà de l’inspiration, la scénographie repose sur une logistique rigoureuse. Il faut penser chaque détail : circulation du public, normes de sécurité, matériaux réglementés, faisabilité technique. La poésie doit cohabiter avec les contraintes du réel. Travailler sur un défilé revient à jongler entre rêve et rigueur, à ancrer le concept dans un espace tangible, sans perdre la légèreté de l’émotion. Car un show ne dure que quelques minutes. Il n’a droit qu’à une seule exécution.
Le travail de Laura Lavergne s’achève là où commence celui du public. Lorsque les projecteurs s’éteignent et que les invités quittent le lieu, le décor a rempli sa fonction : faire exister un monde parallèle, le temps d’un passage. Puis tout s’efface, et déjà commence la préparation de la saison suivante. Dans cette course perpétuelle, la scénographe navigue avec la précision d’un artisan et l’élan d’une plasticienne. Sans jamais apparaître, elle donne pourtant forme à ce que la mode a de plus spectaculaire : son pouvoir d’envoûtement.