Ce mardi 8 juillet, l’artiste américaine Nan Goldin reçoit le prix Women In Motion remis par Kering lors des Rencontres de la photographie d’Arles. Ce prix distingue chaque année une femme pour sa contribution au monde de l’image.
À cette occasion, le documentaire Toute la beauté et le sang versé, réalisé par Laura Poitras, est remis en lumière. Lauréat du Lion d’or à la Mostra de Venise en 2022, le film revient sur la vie tumultueuse de Nan Goldin et son combat contre la famille Sackler, mécène influente du monde muséal, mais également au cœur de la crise des opioïdes aux États-Unis.
Nan Goldin, 69 ans, s’est imposée dès les années 1980 avec The Ballad of Sexual Dependency, série de photographies crues et intimes documentant la vie de ses proches dans le New York underground. Drogue, sexualité, violence domestique, sida : l’artiste ne détourne jamais les yeux, et offre à ses sujets – souvent issus des communautés gay – une dignité que la société leur refusait.
Son travail est profondément marqué par une histoire personnelle tragique. Le suicide de sa sœur aînée alors qu’elle était adolescente constitue un traumatisme fondateur. Après six mois d’aphasie, c’est la photographie qui lui permet de reprendre contact avec le monde.
L’art comme arme politique
En 2014, une tendinite au poignet entraîne une prescription d’OxyContin, puissant antidouleur produit par Purdue Pharma, propriété des Sackler. Rapidement dépendante, Nan Goldin parvient à se désintoxiquer, mais décide de s’attaquer publiquement à la famille. En 2017, elle fonde l’association PAIN (Prescription Addiction Intervention Now), et organise des actions spectaculaires dans les musées, jetant par exemple de faux flacons d’opioïdes dans des fontaines du Met Museum à New York.
L’objectif ? Forcer les institutions culturelles à rompre leurs liens avec la famille Sackler, dont les dons avaient jusqu’alors contribué à financer des expositions, des ailes de musées, ou des bourses. Sous la pression, plusieurs grandes institutions – dont le Louvre, le Guggenheim et le Tate – ont depuis renoncé à leur mécénat.

Une reconnaissance tardive mais méritée
Le prix Women In Motion, initié par Kering en 2015, récompense des femmes qui ont marqué le monde de la culture visuelle. Nan Goldin rejoint ainsi des lauréates comme Agnès Varda, Jane Fonda ou encore Susan Meiselas.
Cette reconnaissance, dans un cadre aussi prestigieux que les Rencontres d’Arles, souligne l’importance d’un regard artistique radical, forgé dans la douleur mais tourné vers les autres. L’œuvre de Nan Goldin témoigne d’un monde invisible, de visages oubliés, mais aussi de la capacité de l’art à devenir outil de dénonciation.
Documentaire « Toute la beauté et le sang versé » (Laura Poitras, 2023), disponible sur Canal VOD et Arte Boutique





