Ce lundi, chez Chanel tout le monde retient son souffle.
Le défilé Chanel commencera aux alentours de 20 h. Et ce n’est pas n’importe lequel : c’est le premier de Matthieu Blazy, l’homme qu’on décrit comme “discret”, ce mot magique que la mode sort quand elle n’a pas encore trouvé le bon adjectif.
Discret, mais pas timide : Matthieu Blazy, c’est le type qui a fait croire au monde qu’un jean en cuir souple était un vrai jean. L’illusion parfaite. Le genre de détail qui rend les stylistes dingues, les acheteuses hystériques et les artisans insomniaques.
Chez Bottega Veneta, il a fait danser le cuir. Chez Chanel, il va devoir faire valser le tweed. Même principe : du mouvement, de la main, et zéro frime.
Le garçon qui préférait les matières aux micros
Matthieu Blazy a un Curriculum Vitae qui ressemble à un plan de métro du bon goût : La Cambre, Raf Simons, Margiela, Céline, Calvin Klein, Bottega Veneta, maintenant Chanel. À chaque arrêt, il apprend un nouveau langage. Chez Margiela, l’art du mystère. Chez Céline, la coupe qui ne dit rien mais fait tout. Chez Bottega Venetta, la matière qui respire le silence.
Chez Chanel, il va devoir parler fort sans élever la voix.
“Pas un mot, mais quel regard”
Les équipes de la rue Cambon décrivent un homme concentré, précis, qui touche les tissus comme d’autres lisent un poème. Pas de storytelling bruyant, pas de promesse d’une “nouvelle ère”, pas de slogan. Juste du travail. Ce qui, dans la mode de 2025, est presque punk.
Son bureau, paraît-il, est un moodboard à lui tout seul : tweeds, archives, prototypes, esquisses griffonnées à la main. Rien d’ostentatoire. Pas un sac “It”, pas un logo XXL. L’anti-Karl par excellence. Et c’est justement ce que Chanel attendait : un créateur qui ne joue pas à Karl Lagerfeld, mais qui joue du Chanel avec un tempo différent.
L’art du trompe-l’œil version Coco
On murmure qu’il s’amuse déjà avec le trompe-l’œil. Du tweed qui n’en est pas, des boutons qui ne ferment rien, des chaînes cousues dans le vide. Du grand Blazy : faire croire à la tradition tout en la sabotant délicatement.
Imaginez un tailleur Chanel qui semble classique, mais qui bouge comme du jersey. Une veste qui cache un plastron de cuir. Des perles… en céramique. Parce qu’il adore piéger le regard. Parce qu’il déteste la paresse du “déjà-vu”.
Une révolution à bas bruit
Matthieu Blazy, c’est le contraire du show-off. Chez lui, la révolution ne crie pas, elle s’applique à la loupe. Il ne “réinvente” pas Chanel, il la recharge. Il parle de savoir-faire, d’artisanat, de trompe-l’œil, de mouvement. Pas d’icônes, pas de muse : juste du vêtement.
Et dans un monde où tout le monde veut “faire du bruit”, il choisit le chuchotement. Le genre qui finit toujours par faire du vacarme.
Ce lundi, la salle s’éteindra. Les mannequins sortiront. Et, si tout se passe bien, on entendra le son qu’il préfère : le froissement du tissu quand il prend vie. Le silence, version haute couture.





