Au Centre Pompidou, l’exposition Paris noir. Circulations artistiques et luttes anticoloniales (1950–2000) vient combler un angle mort de l’histoire de l’art en France. Près de 150 artistes afro-descendants y déploient un demi-siècle de création, d’engagements et d’utopies, souvent passés sous silence.
Après la Seconde Guerre mondiale, la capitale devient un refuge et un lieu de convergence pour les intellectuels et artistes noirs venus d’Afrique, des Antilles ou des États-Unis. James Baldwin, Suzanne et Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor… Tous s’y croisent, débattent, rêvent un monde postcolonial. À quelques pas de Saint-Germain ou du Quartier latin, une autre modernité s’invente.
Il fallait sortir des récits linéaires pour faire apparaître les circulations, les croisements, mais aussi les absences
explique Alicia Knock, commissaire principale de l’exposition.
Entre peinture, photographie, installations et vidéos, les œuvres présentées — pour beaucoup jamais montrées en France — racontent autant les exils que les alliances. Loin d’un folklore ou d’un discours figé sur la “négritude”, Paris noir explore les modernismes alternatifs, les réinventions plastiques et les luttes partagées.

Du groupe Fwomajé en Martinique au mouvement Vohou-vohou en Côte d’Ivoire, en passant par les abstractions de Beauford Delaney ou de Skunder Boghossian, l’exposition tisse des fils entre continents, styles et époques. Une œuvre centrale — une matrice circulaire inspirée de l’Atlantique noir d’Édouard Glissant — incarne cette géographie mouvante, entre Paris et le “Tout-Monde”.
Pour éviter l’écueil de la commémoration figée, quatre artistes — Valérie John, Nathalie Leroy-Fiévée, Jay Ramier et Shuck One — proposent des créations inédites. Entre mémoire et actualité, elles interrogent la transmission, l’effacement et la résurgence des luttes anticoloniales dans l’imaginaire visuel contemporain.

Vers une réécriture institutionnelle
L’exposition s’accompagne d’une ambitieuse programmation culturelle : colloques, publications, acquisitions d’œuvres et d’archives. Objectif assumé : rééquilibrer une historiographie trop longtemps dominée par le monde anglo-saxon.
Il s’agit de rendre visibles des artistes longtemps invisibilisés et d’inciter les institutions françaises à les intégrer pleinement dans leurs collections et recherches
insiste Alicia Knock.
Ni nostalgique, ni didactique, Paris noir s’impose comme un jalon essentiel dans la redéfinition des récits artistiques. Un Paris pluriel, révolté et fertile, y reprend sa place dans l’histoire mondiale des luttes et des esthétiques.
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