Ils avaient disparu dans la brume de leurs amplis Fender, laissant leurs fans orphelins d’un groove à la fois moelleux et cérébral. Bonne nouvelle : The Internet, le gang le plus cool de la nu-soul, sort enfin de sa retraite dorée. Syd, Steve Lacy, Matt Martians, Patrick Paige II et Christopher Smith remettent le couvert. Et le monde s’en porte déjà mieux.
Avant d’être un groupe, The Internet est une belle anomalie : un projet né sur Myspace (oui, ce truc d’avant TikTok) entre Syd tha Kyd, ingénieure du son de génie au sourire timide, et Matt Martians, producteur astral en quête de vibrations nouvelles.
Nous sommes à Los Angeles, 2011. Les deux geeks du son traînent leurs guêtres du côté d’Odd Future, ce collectif aussi incontrôlable qu’un chat sous caféine, mené par Tyler, The Creator et Frank Ocean. Très vite, ils décident de faire bande à part et de bricoler leur propre univers : des beats qui collent à la peau, des riffs de guitare sucrés, et des nappes de synthé à la Kool & The Gang sous acide.

Leur premier album, Purple Naked Ladies (2011), sent la chambre d’ado, les câbles emmêlés et les nuits sans sommeil. Deux ans plus tard, Feel Good affine la formule. Mais c’est Ego Death (2015) qui change la donne : nomination aux Grammy Awards, critiques dithyrambiques, et le monde découvre que la soul peut être à la fois vintage, queer, et totalement décomplexée.
Un collectif qui groove à cinq cerveaux
Sur scène, The Internet ressemble à une dream team échappée d’un film de Larry Clark version funk. Syd, l’androgyne au charisme tranquille, glisse sur les mélodies comme une panthère dans une ruelle.
À ses côtés, Steve Lacy, le kid prodige à la guitare toujours accordée sur le cool, enchaîne les riffs soyeux entre deux poses de mannequin désinvolte. Patrick Paige II, le bassiste philosophe, ancre tout ce petit monde dans un groove aussi rond qu’un galet poli par la mer. Matt Martians, le cerveau sonore, tisse des textures électroniques qu’on croirait empruntées à un rêve humide. Et derrière eux, Christopher Smith veille à la batterie, gardien discret du temple du tempo.
Leur alchimie ? Une sorte de bande de potes du futur, coincée entre 1976 et 2025, qui ferait du Marvin Gaye sur Ableton.
“Come Over”, “Roll (Burbank Funk)” et l’âge d’or du cool
Leur dernier album en date, Hive Mind (2018), reste une capsule de douceur spatiale. Un disque conçu comme une bulle d’amour collectif — un projet où chaque membre brille, sans jamais éclipser l’autre.
Sur Come Over, Syd fredonne une invitation à l’amour façon slow 2.0, tandis que Roll (Burbank Funk), co-produit avec Thundercat, Mac DeMarco et Kamasi Washington, fait danser les neurones autant que les hanches.
À cette époque, The Internet devient un label de cool à lui tout seul : un mélange de groove millimétré, de sensualité minimaliste et de second degré assumé. Ils jouent à la soul comme on joue au ping-pong, sans forcer, juste pour le plaisir du rebond parfait.
Des carrières solo en orbite
Puis, chacun est parti butiner ailleurs. Syd sort Fin (2017), disque sensuel et introspectif, où la chanteuse s’émancipe des carcans du R&B traditionnel. Steve Lacy, lui, s’impose comme l’enfant terrible de la guitare funky : il co-produit DAMN. de Kendrick Lamar à 18 ans, avant de décrocher un Grammy Award pour Bad Habit (2022), hymne timide des amoureux à la traîne. Patrick Paige II livre Letters Of Irrelevance (2018), album de bassiste contemplatif et introspectif, taillé pour les insomnies mélancoliques.
Pendant ce temps, Matt Martians continue de faire flotter ses synthés dans les galaxies parallèles.
Le retour du groove collectif
Après une pause volontaire depuis 2022, Syd a récemment confirmé au micro de TMZ Hip Hop :
On bosse sur un nouveau projet. Ce sera du lourd.
Et le ton est donné : Steve Lacy chantera davantage, Syd reprendra les manettes, et l’ensemble promet une fusion plus mature, plus libre encore. Une sorte de Ego Death post-pandémique, nourri de toutes leurs aventures solo.
On murmure déjà que le groupe préparerait une tournée mondiale pour 2026. Rien d’officiel, mais dans le microcosme nu-soul, l’attente est palpable : les fans se remettent à dépoussiérer leurs vinyles, à ajuster leurs chemises en soie et à rêver d’un retour du groove en technicolor.
Ce qu’on veut : qu’ils soient encore “Internet”
Dans un monde saturé de playlists interchangeables et d’algorithmes qui vendent des émotions en lot de 12, The Internet fait figure d’ovni : un vrai groupe, avec de vraies guitares, et une alchimie humaine qu’aucune IA ne peut coder.
Leur retour est un rappel à la sensualité, à la sincérité et au plaisir pur du son bien senti.
Et si, finalement, le futur de la soul appartenait encore à ces cinq kids qui n’ont jamais vraiment grandi — juste appris à groover un peu mieux ?





