Trente-sept ans. C’est plus qu’un mariage, plus qu’un bail, presque une philosophie. Et voilà que Véronique Nichanian quitte Hermès, cette maison qu’elle aura habillée comme on respire : avec mesure, sensualité et une obstination rare à ne pas faire de bruit. Dans un monde où tout le monde crie fort pour exister, elle a préféré le murmure du cuir et la discrétion du lin lavé.
La nouvelle a la douceur d’un adieu poli et l’élégance d’un dernier nœud de cravate ajusté. À soixante et onze ans, Véronique Nichanian décide de « passer le relais ». Le relais, chez Hermès, ne se passe pas vraiment : il se glisse, il se chuchote, il se confie à mi-voix dans un atelier où le cuir sent encore la patience.
Quand Jean-Louis Dumas l’avait recrutée en 1988, on était à l’époque du power suit et des épaulettes conquérantes. Elle, elle est arrivée avec son calme et sa précision, sa coupe de veste qui tombait comme un haïku. Depuis, Hermès homme, c’est elle : des blousons en agneau plongé qui ne demandent rien, des pantalons qui ne prouvent rien, un luxe qui respire et qui dure.
Pas de logo XXL, pas de star système, pas de cris. Juste des coutures droites et des gestes sûrs. Véronique Nichanian, c’est la grande prêtresse du non-événement spectaculaire. Une mode qui a choisi l’ombre plutôt que le spot, la peau plutôt que la pose.
Et maintenant ? Elle part comme elle a toujours travaillé : sans tapage, sans effet d’annonce. Il y aura une dernière collection, en janvier 2026, à Paris. On imagine déjà ce final comme un clin d’œil — une révérence discrète, sans pathos, peut-être un peu de soie et beaucoup d’humanité.
Hermès perd une gardienne du silence, une résistante à l’hystérie du « toujours plus ». Mais l’héritage est là : dans chaque bouton parfaitement cousu, dans chaque veste qui ne cherche pas à séduire mais finit quand même par le faire.
Et si le vrai luxe, finalement, c’était elle ?





