On croyait le gras coupable, les abats ringards, les boyaux indigestes. C’était sans compter sur Blandine Vié, journaliste culinaire, écrivaine multirécidiviste et blogueuse de la première heure, qui remet les pendules à l’heure — et les tripes sur la table. Avec Tripes & boyaux – L’insolite et insolente cuisine culturelle du ventre, elle signe un ovni gastronomique : un livre qui ne se lit pas le ventre vide ni l’esprit étroit.
Oubliez les diktats de la minceur et les assiettes instagrammables. Ici, on parle de vrai, de gras, de mâche. De ces morceaux longtemps méprisés mais qui racontent mieux que n’importe quel foie gras notre rapport au monde. Car chez Blandine Vié, le ventre est un territoire philosophique : un lieu où la mémoire mijote, où la culture fermente, où le plaisir se digère lentement.
L’autrice, formée à l’histoire de l’art et au goût des mots, cuisine le savoir comme d’autres la farce : généreusement, avec des morceaux choisis. Elle y mêle mythologie, expressions populaires, rites paysans et anecdotes croustillantes. Un style qui sent le terroir et la bibliothèque, la cocotte et le dictionnaire.
L’esthète de lard et la poétesse du boudin
« Esthète de lard », c’est ainsi qu’elle se définit. Et franchement, ça lui va comme un gant. Depuis près de trente ans, Blandine Vié écrit la cuisine avec un stylo trempé dans la sauce : 150 ouvrages, des chroniques, un blog culte gretagarbure.com, et même quelques livres déjà dédiés aux abats (dont Testicules, primé trois fois — on n’invente pas ça).
Avec Tripes & boyaux, elle pousse encore plus loin son concept de « livres cul-cul » — culino-culturels, bien sûr. Car derrière la blague, il y a une pensée : redonner ses lettres de noblesse à une cuisine populaire, à ces plats de peu qui font beaucoup. Dans son panthéon personnel, l’andouillette côtoie les mythes antiques, le boudin flirte avec les poètes, et le saucisson se fait métaphore existentielle. On rit, on salive, on apprend.
Une gastronomie qui a du corps
Dans ce livre de 352 pages, l’autrice invite à renouer avec une cuisine du geste et du sens. Celle qui pétrit, qui découpe, qui flambe et qui pense. Chaque chapitre est un hommage à ces mets de l’ombre, à ces artisans du goût qui travaillaient le gras sans complexe. On y retrouve quelques recettes emblématiques — andouillettes à la vouvrillonne, poêlée terre-mer de Saint-Jacques et d’andouille de Guéméné —, mais aussi une philosophie de table : le goût n’est pas qu’une affaire de palais, c’est une affaire de culture.
Mangez intelligent, digérez heureux
À l’heure où tout se filtre, se detoxe et se comptabilise en calories, Blandine Vié prône la réconciliation entre le ventre et l’esprit. Elle parle de nos tabous, de notre peur du gras, de notre méfiance du corps. Et elle rappelle, avec un sourire en coin, que penser la cuisine, c’est aussi penser le monde — mais avec les doigts un peu pleins de jus.
Récompensée à plusieurs reprises (Prix Gastronomades d’Angoulême, Prix APCIG), l’autrice poursuit son combat pour une gastronomie libre, savante et populaire. Un livre à lire entre deux tranches de saucisson et trois éclats de rire.
Tripes & boyaux – L’insolite et insolente cuisine culturelle du ventre de Blandine Vié. Éditions Cherche-Midi – En librairie le 30 octobre 2025 (352 pages – 24,50 € – Format 154 × 240 mm). Plus de renseignements sur editis.com
