Il avait fait des semelles un manifeste et du cuir un langage. Cesare Paciotti, créateur flamboyant, roi du talon sensuel et du mocassin insolent, s’est éteint le 12 octobre à l’âge de 69 ans, dans sa ville natale de Civitanova Marche. Un départ soudain, presque discret, à l’image inverse de la vie qu’il avait menée – entouré des siens, de ses enfants et de cette famille qui a fait du “made in Italy” une affaire de cœur autant que d’entreprise.
Il faut revenir à 1948 pour comprendre le mythe. Cette année-là, son père Giuseppe Paciotti fonde une petite manufacture de chaussures au cœur des Marches, cette région italienne où le cuir se travaille comme une religion. L’enseigne s’appelle alors Paris – un hommage au raffinement français – et fabrique des modèles masculins classiques, cousus à la main, polis avec amour, calibrés pour durer une vie. Rien d’extravagant, mais déjà, une obsession pour la perfection.
Puis arrivent les années 1970, la jeunesse, la rébellion, les Beatles, la mode qui explose, les couturiers qui deviennent des stars. Et dans cet élan, Paola et Cesare Paciotti reprennent le flambeau familial. Très vite, ils comprennent que la chaussure peut être bien plus qu’un simple accessoire : un symbole, un signe de reconnaissance, un cri. Ils se glissent alors dans les coulisses de cette effervescence créative qui s’appelle Versace, Dolce & Gabbana, Romeo Gigli, Cavalli… Leurs ateliers fabriquent pour ces dieux de la mode les talons et les bottines qui feront défiler les années 1980.

Et durant cette décennie, changement d’ère : Paris devient Cesare Paciotti. Le nom s’affiche fièrement sur les boîtes, les vitrines, les semelles. L’homme aussi se construit un personnage. Cheveux noirs, regard perçant, sourire d’italien sûr de lui, Cesare Paciotti incarne à la fois l’élégance et la provocation. Ses créations ? Des chaussures masculines avec des talons qui osent, des découpes qui claquent, du cuir verni, du rouge, du noir, des contrastes et ce petit symbole qui deviendra iconique : le poignard. Un logo, mais surtout une déclaration.
Le style, c’est une arme
aimait-il dire.
Dans les années 1990, alors que la mode s’uniformise, il prend tout le monde à contrepied : il lance les premières chaussures unisexes, brouillant les genres avant que ce soit tendance. Puis il se tourne vers les femmes, avec une ligne sensuelle et affûtée, pensée pour celles qui aiment séduire sans s’excuser. Ses talons hauts sont devenus une signature – vertigineux, brillants, impossibles à ignorer.
Au fil du temps, la marque Cesare Paciotti s’impose sur les cinq continents, de Milan à Dubaï, de Paris à Los Angeles. Les stars les chaussent, les clippeuses les exhibent, les dandys les collectionnent. Porter du Paciotti, c’est appartenir à une tribu : celle des audacieux, des séducteurs, de ceux qui ne craignent pas le regard.
Mais derrière le glamour, il y avait l’homme : généreux, entier, excessif, passionné. On dit qu’il pouvait passer des heures à discuter d’une couture, à polir une semelle, à corriger la cambrure d’un escarpin. Il croyait aux gestes, aux matières, à la beauté sincère des choses bien faites.
Aujourd’hui, à Civitanova Marche, le silence résonne dans les ateliers. Les artisans, la famille, les amis, tous savent qu’avec lui s’éteint une certaine idée du style italien : celle d’un luxe incarné, vibrant, charnel. Son fameux poignard, symbole de courage et d’identité, restera planté dans l’histoire de la mode comme un rappel : être élégant, c’est oser.
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