À Celles-sur-Ource, au cœur de la Côte des Bar, il y a des bulles qui ne pétillent pas comme les autres. Des bulles qui racontent une histoire, un sol, une lignée. Celles du Champagne Vaucelle, dernière création de Thomas Cheurlin, descendant d’une dynastie de vignerons qui cultive la vigne depuis dix générations. Un nom nouveau, mais une âme ancienne. Un projet personnel, presque intime, qui fait dialoguer la modernité et l’esprit des ancêtres.
Il suffit de pousser la porte du domaine familial pour comprendre que la tradition ici n’est pas une relique, mais une respiration. Depuis la fin du XVIIᵉ siècle, la famille Cheurlin façonne ce paysage vallonné de la Côte des Bar, longtemps terre discrète avant de devenir l’un des poumons de la Champagne moderne.
Après la Seconde Guerre mondiale, la maison familiale passe de la production de vins tranquilles à l’élaboration de champagnes. Depuis, les générations se succèdent, mais le fil conducteur reste le même : faire parler la terre. Et Thomas Cheurlin, l’actuel maître des lieux, ne déroge pas à la règle.
Soucieux de l’héritage de la maison au fil des générations, mon objectif reste de faire naître des champagnes à mon image et ma philosophie, avec une devise simple : élaborer des champagnes authentiques, proches de la nature et de nos terroirs.
Son credo n’a rien d’un slogan marketing, c’est une déclaration de foi.
Vaucelle, un nom qui fait sens
Le mot sonne doux et ancien : Vaucelle. En vieux champenois, il signifie “petite parcelle” ou “vallon”. C’est aussi un clin d’œil à Celles-sur-Ource, le village natal des Cheurlin, et un hommage discret à l’abbaye cistercienne du même nom, sœur de celle de Clairvaux. Une manière subtile de relier la terre, la spiritualité et le vin.
Mais derrière la poésie du nom se cache un manifeste : tous les raisins proviennent du domaine. Ici, on est récoltant-manipulant, c’est-à-dire maître de sa vigne comme de son vin. Rien n’est laissé au hasard, du sol jurassique kimméridgien jusqu’à la dernière bulle.
Une collection d’émotions
Sous l’étiquette Vaucelle, six champagnes composent la gamme. Chacun a son tempérament, sa respiration, son instant de dégustation idéal. Thomas Cheurlin parle de ses cuvées comme on parle d’enfants : avec tendresse et précision. Certaines jouent la carte du classicisme, d’autres celle de la personnalité. Il y a des vins vieillis sous-bois, des millésimés patinés par le temps, et même une cuvée issue d’un cépage rare, le Blanc Vrai, cousin oublié du Pinot Blanc.
Chaque bouteille est pensée comme un autoportrait : exigeante, sincère, élégante sans ostentation. La promesse ? Des champagnes à taille humaine, faits pour être bus, partagés, vécus — pas seulement admirés sur une étagère.
« Le Suchot », rosé d’expression
Parmi ces cuvées, Le Suchot fait figure d’ambassadeur. Une cuvée de caractère, née d’une unique parcelle du même nom. 100 % Pinot Noir, vinifiée par saignée, elle incarne l’esprit du terroir dans ce qu’il a de plus pur.
La vinification ne laisse place qu’aux premières presses, avant un élevage patient de 36 mois sur lies. Dans le verre, le vin se pare d’une robe saumonée profonde, presque sensuelle. Le nez, précis et charmeur, mêle la framboise, le cassis et la mûre, dans un murmure de sous-bois. En bouche, la fraîcheur se fait caresse, la minéralité souligne l’équilibre, et la longueur surprend par sa délicatesse.
C’est un rosé qui ne craint pas de s’asseoir à table : une côte de bœuf, un canard rôti, ou même un dessert aux fruits rouges — il a cette souplesse rare qui lui permet de séduire du début à la fin du repas.
La modernité du respect
Ce qui distingue Thomas Cheurlin, c’est cette manière d’avancer sans rien renier. Il revendique une approche durable, certifiée HVE 3 et Viticulture Durable en Champagne, mais refuse le discours moralisateur.
On fait du bon vin, pas du vin parfait
aime-t-il rappeler.
Une lucidité rafraîchissante dans un monde parfois obsédé par les labels.
Chez lui, l’écologie est une pratique avant d’être une posture. Travailler les sols, observer, laisser respirer les vignes. Les gestes sont anciens, mais la vision est moderne : celle d’un homme qui sait que le vrai luxe aujourd’hui, c’est l’authenticité.
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