C’est dans les entrailles des Tanks de la Tate Modern qu’a été inaugurée une exposition singulière : In a perpetual remix where is my own song ?, première installation solo à Londres de Christelle Oyiri, alias Crystallmess. Figure montante de la scène artistique et musicale française, l’artiste y explore les liens entre transformation sonore et corporelle dans une œuvre immersive mêlant vidéo, sculpture et dispositif lumineux.
Connue pour ses DJ sets hybrides et ses productions électroniques expérimentales, Christelle Oyiri développe depuis plusieurs années une pratique pluridisciplinaire ancrée dans la culture club, les esthétiques post-Internet et les récits diasporiques. Avec cette exposition, elle pousse plus loin encore sa réflexion sur l’identité, la représentation de soi et les mécanismes de transformation sociale et esthétique.
L’installation se déploie en trois volets : une série de sculptures, une vidéo monumentale et un light show pensé comme une performance sans performeur. Le spectateur est invité à déambuler dans un espace qui oscille entre salle d’opération et dancefloor, entre introspection clinique et vertige sensoriel. En toile de fond, une question centrale : que devient le “je” dans une société saturée de sons, d’images et de modèles à reproduire ?

Le projet est nourri d’influences multiples, de la littérature expérimentale de William Burroughs à la démarche transgressive de Genesis P-Orridge. Christelle Oyiri y mêle références musicales, autobiographie et observation sociale. C’est à Los Angeles, notamment, qu’elle dit avoir saisi les parallèles entre les logiques de remix musical et celles de la chirurgie plastique : “retoucher” le corps comme on retravaille un sample.
Cette réflexion sur la malléabilité de l’identité, déjà présente dans ses textes ou dans ses soirées à la croisée des genres, prend ici une dimension plus formelle. L’artiste évoque également la manière dont les femmes – et plus largement les minorités – sont contraintes à une hyper-visibilité dans les milieux créatifs contemporains, une exposition permanente qui les pousse à se “programmer” elles-mêmes selon les attentes du public ou de l’industrie.
Ancienne chroniqueuse et DJ dans les soirées underground parisiennes, Crystallmess s’est fait connaître pour sa capacité à brouiller les frontières entre les styles et les scènes. Inspirée par les clubs de New York, d’Abidjan ou de Détroit, elle a contribué à ouvrir des espaces de fête plus inclusifs et plus métissés. Son approche musicale — mêlant techno, rap, gospel, noise ou reggaeton — traduit un refus de la norme et une volonté de recomposition constante.
À travers In a perpetual remix…, elle transpose cette même logique au champ visuel et plastique. Le résultat : une œuvre résolument contemporaine, où les questions de genre, de race, d’apparence et de création s’entrelacent dans un langage sensoriel puissant.
Exposition « In a perpetual remix where is my own song? » by Christelle Oyiri (Crystallmess). Tate Modern, Londres — Tanks jusqu’au 25 août 2025. Plus de renseignements sur tate.org.uk