Il est rare qu’un duo de créateurs parvienne à conjuguer naïveté assumée, haute technicité et culture pop dans une seule et même formule. Pourtant, depuis vingt ans, PlayLab Inc. Y parvient avec panache. Le studio pluridisciplinaire fondé en 2009 par Archie Lee Coates IV et Jeff Franklin souffle cette année ses vingt bougies, et l’occasion est idéale pour revenir sur l’ascension singulière de ces deux « entertainers architecturaux ».
Originaires du monde académique — ils se rencontrent sur les bancs de Virginia Tech —, les deux complices n’ont jamais cessé de « geeker » sur les Eames ou Tibor Kalman, à coup de pizzas et de bières, même lorsqu’ils vivaient à New York, partageant leurs nuits entre jobs alimentaires et sessions créatives effervescentes. Ce mélange d’enthousiasme juvénile et de rigueur architecturale est devenu leur signature.
Dans un monde du design souvent dominé par le cynisme ou la surenchère conceptuelle, PlayLab joue la carte de l’honnêteté émotionnelle. Oui, ils portent des casquettes à slogans ironiques faits maison. Oui, ils n’hésitent pas à arborer fièrement leurs propres t-shirts. Et non, ce n’est pas du second degré. « I love this company », peut-on lire sur la casquette d’Archie. Pas pour faire rire, mais parce que c’est vrai.

De Clog à Louis Vuitton : la touche Virgil Abloh
La rencontre décisive avec le regretté Virgil Abloh a marqué un tournant pour le studio. Le fondateur d’Off-White et directeur artistique de Louis Vuitton Homme a offert à PlayLab l’occasion de transposer leur univers dans des sphères plus larges : défilés monumentaux, collaborations artistiques, et surtout, une nouvelle manière de penser l’espace comme expérience totale.
Des châteaux gonflables géants Place Dauphine à Paris aux objets démesurés évoquant Claes Oldenburg, leurs créations pour Louis Vuitton mélangent enfance, subversion, et références architecturales sérieuses, comme les intérieurs sévères inspirés de Mies van der Rohe. Un équilibre permanent entre fantaisie et rigueur.

L’interdisciplinarité comme moteur
Plus récemment, PlayLab a conçu un skate-park orange vif pour OTW by Vans, en collaboration avec l’artiste Sterling Ruby, présenté à Frieze L.A. Le résultat ? Une rampe centrale aux airs de sculpture de James Turrell, dans un lieu aussi fun que métaphysique.
Ils ont aussi matérialisé l’EQT Track pour Adidas, une piste de course posée sur une mesa au Nouveau-Mexique, entre hommage au Land Art de Michael Heizer et spirale dorée à la Hannsjörg Voth. Rien n’est gratuit : chaque projet est un tissage dense d’influences digérées, assumées, et magnifiées.

Entre transparence et mystère
Mais derrière cette candeur se cache une forme de discrétion. Peut-être liée aux nombreux accords de confidentialité avec des clients tels que Drake ou Post Malone, ou simplement au refus de tout dévoiler de leur processus. Le mystère fait partie du jeu — et renforce l’aura de magie qui entoure leurs créations.
Leur site web minimaliste frôle le normcore, tandis que leur présence sur les réseaux sociaux reste stratégiquement choisie. C’est là que s’exprime l’aspect le plus sensoriel de leur travail, comme la couverture de l’album F-1 Trillion de Post Malone, photographiée par Gonzalo Lebrija, et qui leur a valu une nomination aux Grammy Awards 2024 pour le Meilleur Packaging.

L’architecture comme divertissement
Leur langage esthétique, fait de formes massives, de couleurs saturées et d’inspirations visibles, pourrait évoquer un postmodernisme revisité. Mais pas celui, cérébral et critique, de Venturi : ici, pas de contradiction, mais plutôt un amour du collage, de la citation jubilatoire, sans complexe.
Plus de renseignements sur playlab.org





