Un silence solennel, les colonnes majestueuses de la New York Public Library et une poignée d’invités privilégiés. C’est dans ce décor hors du temps que Marc Jacobs a dévoilé sa collection Runway 2026, le 30 juin dernier.
Un lundi d’été chaud et désert, une scène presque irréelle pour accueillir une mode qui l’est tout autant. Car plus qu’un défilé, Marc Jacobs a livré une performance esthétique, une expérience où les volumes s’emballent et les codes s’effondrent.
Depuis plusieurs saisons, Marc Jacobs trace une route singulière, loin des impératifs commerciaux et des formats convenus du prêt-à-porter de luxe. Sa collection Runway est l’expression la plus pure de sa vision, déconnectée du réel, et cette édition 2026 le confirme. Le ton est donné dès la note de défilé :
Une qualité ou une combinaison de qualités qui donne du plaisir à l’esprit ou aux sens […]
Formes, couleurs, proportion : ces mots deviennent les axes d’un monde imaginaire où chaque silhouette est un manifeste.






Cette saison, Marc Jacobs plonge ses poupées géantes dans un bain grunge inattendu. Le premier look donne le ton : un treillis militaire démesuré, aux poches exagérées, accompagné d’un body en dentelle lavande aux épaules disproportionnées. Un contraste qui revient tout au long du show : entre romantisme et brutalité. Les fleurs se mêlent aux carreaux, la transparence flirte avec des structures quasi grotesques, les tissus délicats côtoient des drapés désordonnés.
Le maquillage est atténué, les cheveux sont relâchés, mais les nœuds — signature du créateur américain — subsistent, plaqués à l’arrière comme des touches finales d’une caricature assumée. Les mannequins, perchées sur des plateformes évoquant les chopines de la Renaissance, avancent péniblement, incarnant cette mode qui défie les proportions : épaules gonflées, hanches hypertrophiées, postérieurs exagérément amplifiés. Tout est trop, et c’est précisément là que réside le propos.
Marc Jacobs ne cherche plus l’harmonie classique, il la conteste, la distend, l’interprète. Il fait de la démesure un outil de poésie, de la caricature une définition du beau. Ce n’est plus la mode qui habille, c’est la mode qui raconte, qui dérange, qui rêve. Avec cette collection, le créateur affirme une fois de plus que son œuvre n’est pas destinée à un dressing, mais à un imaginaire. Elle devient une subversion enchantée.