La villa Noailles a encore tenu bon. Sous un ciel d’automne lumineux et des budgets en apnée, le Festival international de mode, de photographie et d’accessoires de Hyères a soufflé ses quarante bougies ce week-end. Trois jours seulement, mais une intensité folle : des défilés serrés, des idées gonflées (littéralement) et une énergie que rien ne semble pouvoir percer, pas même la crise.
Le grand triomphe, c’est celui de Lucas Emilio Brunner, 26 ans, moitié Suisse, moitié Chilien, entièrement sur orbite. Son grand prix du jury Mode récompense une collection masculine tout en ballon : vestes tartan gonflées, trenchs noués façon latex de fête, bérets ovoïdes et t-shirts frangés de baudruches dégonflées.
Chez Lucas Emilio Brunner, l’élégance joue avec la pression d’air et la nostalgie Ivy League. Derrière le clin d’œil pop, une vraie recherche de matière et de forme, où la légèreté devient architecture. C’est inventif, un peu fou, parfaitement maîtrisé — bref, un vent frais dans un vestiaire parfois engoncé.

Chanel, montagne et tutu
À Hyères, les autres prix n’ont pas manqué de panache. Adrien Michel, Vosgien d’altitude et diplômé de La Cambre, a décroché le prix 19M des métiers d’art pour ses trenchs-doudounes et chemises de bûcheron futuristes.
Layla Al Tawaya, 24 ans, Polonaise et Palestinienne, a emporté le prix l’Atelier des matières en travaillant le cuir comme de la dentelle et le tutu comme une armure. Résultat ? Un vestiaire baroque, qui s’autorise les volants, les fronces et les jabots, sans jamais perdre le fil du contemporain.
Quant au prix du public, il revient au Libanais Youssef Zogheib, qui revisite la guerre mondiale à travers le prisme queer et les manteaux militaires qui dansent. On n’a jamais vu des soldats aussi élégants.
Bois, bijoux et coussins
Côté accessoires, la poésie passe par les mains. Amaury Darras, ébéniste de formation, a conquis le grand prix du jury avec ses sculptures portables : corsets, sabots et sacs en bois précieux. Le corps devient mobilier, la mode devient matière.
Luisa Olivera, venue du Honduras, a charmé le public avec ses bijoux-fleurs modulaires, si légers qu’on les croirait vivants. Et Alyssa Cartaut, 24 ans, a poussé le confort jusqu’à l’absurde avec ses souliers-coussins — des mules à mini traversins, prêtes pour une sieste stylée.

Photos, coton et visibilité mondiale
Le festival, toujours curieux de nouveaux territoires, a inauguré le prix Supima, dédié au coton haut de gamme américain : c’est le Suisse Noah Almonte qui partira à New York, tissus et rêves sous le bras.
En photographie, la Française Noémie Ninot a décroché le grand prix 7L, Julie Joubert une mention spéciale, tandis que Gabriel Mrabi et Yama Ndiyae complétaient le palmarès.
Hyères, toujours debout ?
Cette 40e édition, resserrée mais brillante, prouve que la villa Noailles reste un phare dans la nuit de la création émergente.
Malgré les coupes, les angoisses et les tempêtes, Hyères continue de faire ce qu’il sait faire de mieux : gonfler les jeunes talents, façon ballon de fête prêt à s’envoler.
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